Laurence De La Ferrière

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Exploratrice • France

Aujourd’hui, toute mon énergie est consacrée à contribuer à la connaissance de l’Antarctique, continent d’une beauté sans égal mais finalement si fragile

Laurence de la Ferrière est explorateur, alpiniste et conférencière. Après avoir réalisé l’ascension de plusieurs 8000 mètres sans oxygène dans l’Himalaya, elle s’est consacrée à l’exploration polaire. Aujourd’hui, elle est « le » premier français à avoir atteint le pôle Sud et la seule femme au monde à avoir traversé intégralement le continent Antarctique en solitaire, depuis Hercule Inlet jusqu’à la Terre Adélie via le pôle Sud.

 

En 1970, j’ai reçu un livre écrit par l’anthropologue Robert Gessain, intitulé « Eskimo du Groenland, Ammassilimiut. Sur la couverture étaient dessinés deux esquimaux en « duel de chant » et à l’intérieur une dédicace : « Pour Laurence de la Ferrière, Prélude à un voyage ? ». Il aurait pu écrire : « invitation à l’exploration ! ». En 1991, j’ai participé à la première expédition autorisée à se rendre à l’extrême nord-est de la Sibérie en Tchoukotka. Ce fut le début d’une plongée profonde en territoire inconnu dont l’hostilité participait à la fascination que j’éprouvais, assortie d’une merveilleuse histoire d’amour. En parallèle, je poursuivais une « carrière » d’alpiniste et d’himalayiste sur les plus hauts sommets du monde. Dans le fond, ces ascensions me préparaient physiquement et psychologiquement avec une redoutable efficacité à l’exploration du monde polaire. Il n’y avait aucun calcul dans mes projets. Seule une immense curiosité a toujours motivé mes choix et un sens exacerbé de la liberté. Ce n’était pas si simple à cette époque pour une femme, il m’a fallût repousser les obstacles avec une énergie décuplée. Je ne l’ai pas fait en tant que féministe, mais en tant qu’être humain qui décide librement d’inscrire sa destinée sur un chemin qui lui correspond. La traversée de l’Antarctique en solitaire fut le point d’orgue de ce cheminement. Dans un contact intime avec la nature, j’ai découvert ma force et j’ai accepté mes faiblesses. Le vent a gonflé ma voile, mes yeux ont vu au-delà du regard, j’ai « senti » les crevasses … Dans une sorte d’harmonie improbable, infinie … j’ai appris à faire corps avec les éléments aussi violents étaient-ils, qui a rendu possible ce qui était considéré comme impossible. J’ai compris la signification de l’existence, sans avoir à la justifier. Puis est venu le temps du partage et de la transmission. La direction de la base antarctique française Dumont d’Urville, en 2008-2009, fut une étape déterminante. Une mission de « haut vol » qui m’a obligé à restituer des acquis en solitaire dans le cadre d’une équipe. Passionnant et intense ! Entourée de scientifiques, ma dernière expédition à l’été austral 2019-2020 sur un catamaran à voile, nous a permis de découvrir que le micro-plastique ne s’arrête pas aux frontières de l’Océan Austral et la présence d’une algue, Ulva Intestinalis, qui pourrait bien proliférer au détriment de l’écosystème en place dans les eaux antarctiques. Dernière terre à (ne pas) coloniser, l’Antarctique concentre toutes les problématiques liées à l’avenir de notre planète. Il est le reflet global du fonctionnement humain et la preuve qu’il peut exister un endroit dépourvu d’intérêts partisans et de convoitises mercantiles. Aujourd’hui, toute mon énergie est consacrée à contribuer à la connaissance d’un continent d’une beauté sans égal, mais finalement si fragile.