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Géographe • France

“Parce qu’on s’est retrouvé humains dans un monde inhumain. 60 jours sans pouvoir se réchauffer à des températures de -35°C. Tout était compliqué. Les larmes ont coulé mais la passion et le mental l’ont emporté”


Madeleine Griselin est une géographe spécialisée en hydrologie continentale polaire, directrice de recherches émérite au CNRS. Elle a consacré l’essentiel de sa carrière à l’étude des glaciers du Spitsberg et a organisé de nombreuses missions dans l’Arctique dont la première expédition polaire féminine à ski en 1986, sur la banquise de l’océan Arctique, du Spitzberg au pôle Nord, soit 1111km de traversée. Raconté dans un livre, l’expédition « Huit femmes pour un pôle » lui a valu le Grand Prix de littérature sportive.

 

En 1969, la première consigne du dossier de candidature à l’entrée à l’école de géologie de Nancy que je briguais était : « Les candidats doivent être du sexe masculin ». Plus dure fut la chute pour moi qui avais été élevée dans une famille où l’égalité était totale entre les garçons et les filles. Dans ces mêmes années, Paul-Emile Victor m’expliqua qu’il n’y aurait jamais de femmes dans les expéditions polaires françaises. Combien de fois m’a-t-on demandé alors que je préparais la première expédition polaire féminine en 1986 : « Pourquoi que des femmes ? ». Au départ c’était dans l’idée d’attirer des fonds pour mener à bien une expédition scientifique d’étude de la dérive des glaces entre le Spitsberg et le pôle Nord. L’expédition elle-même, « huit femmes pour un pôle », était une expédition de folie. Dix-huit mois de préparatifs. On s’est retrouvés humains dans un monde inhumain. Soixante jours sans pouvoir se réchauffer à des températures de -35°C. Tout était compliqué. Les larmes ont coulé mais la passion et le mental l’ont emporté. Depuis cette expédition, plus jamais personne ne m’a avancé d’arguments sexistes pour me refuser l’accession à un poste ou à des responsabilités. J’ai depuis dirigé dans les régions polaires de nombreuses missions mixtes, ce que j’aime, car les compétences croisées des hommes et des femmes sont une richesse où que ce soit. En France, les bastions sont tombés les uns après les autres avec quelques points de résistance comme le commandement des navires marchands ou de guerre ou la direction d’orchestre. Il y a encore fort à faire dans d’autres pays : je soutiens vivement toutes les batailles et je salue toutes les avancées. L’an dernier j’ai entendu un journaliste poser la question au chef d’une expédition himalayiste : « Pourquoi que des hommes ? » ... c’était la première fois que j’entendais cette question et je me suis dit que des progrès avaient été faits ... au moins dans la pensée journalistique.

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