Eté 2014

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Mars 2015

Eté 2014
Un été relativement banal

L’année 2014 aura été une année relativement « banale » en termes d’englacement en Arctique. Le 17 septembre 2014, la banquise arctique atteignait son minimum annuel d’étendue, évalué à 5,02 millions de km2. Ni la date de ce minimum, très proche de la date moyenne du minimum annuel estimée sur la période 1981-2010 (15 septembre), ni sa valeur, très légèrement inférieure à celle du minima de 2013 (5,10 millions de km2) mais bien supérieure à celle du minimum record de 2012 (3,41 millions de km2), ne confèrent à ce minimum de septembre 2014 un caractère exceptionnel. Il a seulement pris la place de 2013 au 6eme rang des minima de septembre les plus faibles depuis 1979. L’étendue moyenne du mois de septembre 2014, avec ses 5,28 millions de km2, se place elle aussi immédiatement devant 2013 et bien après les minima record de 2007 et 2012 pour occuper le 6ème rang des mois de septembre les moins englacés. Ce niveau « standard » d’englacement à la fin de l’été 2014 ainsi que le relativement faible englacement observé au maximum hivernal le 21 mars 2014 ont ensemble concouru à faire de 2014 l’année où la diminution saisonnière du couvert de glace entre hiver et été a été la plus faible depuis 2006.

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Minimum d’extension de la banquise arctique estivale le 16 septembre 2014 – © Université de Bremen (Germany)


Comme tous les mois de septembre de la période récente, septembre 2014 reste bien en deçà de la moyenne climatologique de la période 1981-2010 évaluée à 6,22 millions de km2. La tendance pluri-décennale (1979-2014) à la décroissance du couvert estival sur la période satellitaire, bien que remontant légèrement par rapport à la tendance évaluée lors du minimum record de 2012, est toujours très marquée. Evaluée à -13.3% par décennie en moyenne pour le mois de septembre, elle avait atteint -14% par décennie en 2012 puis -13.7% en 2013, mais ne dépassait pas -11% lors du minimum record de 2007.

Comme en 2013, l’été s’est aussi révélé relativement banal en termes de conditions atmosphériques. Seul un système de hautes pressions atmosphériques, installé pendant l’été au-dessus de la mer de Laptev, a entrainé un régime dominant de vents du sud et des apports d’air chaud en provenance du continent sibérien. En aout 2014, les températures de l’air étaient de 8°C supérieures à la climatologie dans l’archipel de Nouvelle Sibérie. Ces masses d’air chaud ont certainement contribué au retrait spectaculaire (jusqu’à moins de 5 degrés de latitude du pôle) du bord de glace au nord de la mer de Laptev, en même temps que la couche de surface océanique subissait un échauffement important conduisant à des températures océaniques supérieures de plusieurs degrés à la moyenne climatologique. Les relations entre le continent et l’océan sont complexes mais il est possible que la diminution exceptionnellement rapide du couvert de neige sur la Sibérie au printemps ait contribué de manière significative à l’échauffement des masses d’air transportées ensuite au-dessus de l’océan. 2014 constitue en effet une année record vis-à-vis de l’enneigement du mois d’avril en Sibérie puisqu’on y a observé la plus faible étendue du couvert neigeux sur les 48 années d’enregistrement disponibles.

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Comparaison de l’extension mensuelle moyenne de la banquise estivale en Arctic depuis 2010 – © NSIDC


En contraste avec le secteur de la mer de Laptev très déglacé, la banquise en mer de Sibérie Orientale est restée relativement étendue (c’est-à-dire proche de l’étendue climatologique). Le déclenchement de la fonte a en effet été plus tardif dans cette région, sans doute en raison de la présence de glace de deuxième année, plus épaisse et donc plus résistante à la fonte en dépit de concentrations relativement faibles. Des conditions d’englacement important avaient aussi prévalu au cours de l’été 2013 dans ce secteur mais pour des raisons différentes puisque les glaces de première année dominaient la région tandis que les températures de l’air étaient plus froides. Pendant l’été 2014, c’est en mer de Barents et de Kara que l’influence des masses d’air froides sur la banquise s’est exercée : les températures de l’air inférieures à la normale dans cette région ont sans doute contribué au déclenchement plus tardif de la fonte et maintenu une banquise relativement étendue dans toute la région. Cette situation est relativement inhabituelle puisque ce secteur de la banquise arctique est connu pour subir une décroissance forte et persistante sur les dernières décennies. Plus généralement, 2014 est une année où la fonte estivale aura démarré relativement tardivement dans de nombreux secteurs de l’Arctique.

Sept2013-2014Comparaison de l’extension des glaces aux mois de septembre 2013 et 2014 – © NSIDC


Comme en 2013, le passage du Nord-Ouest était difficilement navigable en 2014. La route passant par le golfe d’Amundsen n’a jamais été totalement dégagée. Certains étés comme en 2007 ou 2011 (année d’englacement minimal dans le passage du Nord-Ouest), de hautes pressions atmosphériques dans le bassin canadien avaient pu modifier la dérive des glaces et limiter leur afflux dans le détroit de Mc Clure. Les conditions atmosphériques de l’été 2014 n’ont pas permis un tel scénario et le détroit est resté obstrué par les glaces. En revanche, la route du Nord passant par les mers sibériennes est restée dégagée à l’exception de quelques résidus de banquise près de la Terre du Nord.

Alors que l’étendue estivale de la banquise est restée relativement stationnaire depuis 2013, il semble que l’on assiste à une reprise en épaisseur des glaces. Sur la base de mesures aéroportées effectuées dans le détroit de Fram à la fin de l’été 2014, des chercheurs ont estimé à 2m l’épaisseur moyenne des glaces dans cette région alors qu’elle n’était que de 1.1-1.4 m entre 2010 et 2012. Cette tendance positive est en accord avec les mesures altimétriques effectuées en fin d’hiver par CryoSat-2 qui suggèrent que l’épaisseur des glaces en mars 2014 était 40 cm plus élevée qu’en mars 2012 ou 2013. Cette augmentation serait le reflet de l’épaississement des glaces pluriannuelles situées au nord-ouest du Groenland. Il est à l’heure actuelle impossible de déterminer si de telles variations ont vocation à perdurer ou sont seulement la manifestation de la forte variabilité interannuelle du couvert de glace arctique.

Marie-Noëlle Houssais, Mars 2015


Pour en savoir plus :

Voir le site du Polar view center de l’Université de Bremen (Germany)
Voir le site du NSIDC (National Snow and Ice Data Center – USA)


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