La Russie investit dans la recherche arctique

Tcheliouchkin

La base militaire et scientifique russe du cap Tchéliouchkin contrôle le point le plus septentrional de la route maritime du Nord (passage du Nord-Est) et fait partie d’une nouvelle unité militaire baptisée Groupe des forces arctiques – © François Bernard / www.polespictures.com


Décembre 2010

La Russie investit dans la recherche arctique

Le 2 octobre, le brise-glace russe Rossiya a quitté Mourmansk, avec à son bord un groupe de 15 chercheurs chargés de localiser un morceau de banquise arctique idoine afin d’y installer la station de recherche dérivante “ Severny Polyus 38 ” [Pole Nord 38]. Bientôt, les scientifiques s’y installeront pour un an environ, afin d’étudier les reliefs sous-marins et les effets du changement climatique dans cette région hautement stratégique : la fonte des glaces ouvre déjà de nouvelles voies maritimes septentrionales vers l’Asie, et elle permettra à terme d’exploiter les ressources énergétiques et minérales du sous-sol océanique.

“ Severny Polyus 38 ” est la 38e station dérivante installée sur la banquise par les Russes depuis 1937. Mais celle-ci s’inscrit dans un contexte particulier : selon le député et explorateur russe Arthur Chilingarov – chef de l’expédition qui planta un drapeau russe au pôle nord, au fond de l’océan arctique le 2 août 2007 -, qui mène l’expédition du Rossiya, la Russie devrait en effet déposer, en 2013, une demande d’extension de son plateau continental dans l’océan arctique auprès des Nations Unies. Dans cette perspective, la Russie s’attelle avec énergie à l’exploration des fonds océaniques, pour déterminer les limites de ce fameux plateau continental. Une enveloppe d’1,5 milliards de roubles (environ 36 millions d’euros) a été attribuée par le président Medvedev à cette recherche pour les années 2010 et 2011, et cet été a vu le navire océanographique “Akademik Fedorov” arpenter l’océan arctique pour une mission scientifique de grande envergure. Car si la Russie arrive ainsi à prouver que les dorsales sous-marines de Lomonosov et Mendeleïev (voir carte) sont des prolongations géologique de son plateau continental, elle aura alors gagné le droit d’exploiter les gisements d’hydrocarbures et de minéraux compris dans une vaste zone comprise entre la Tchoukotka, Mourmansk et le pôle nord. En 2001, les Russes avaient déjà déposé une demande d’extension, mais elle avait été rejetée par les Nations Unies, faute de preuves scientifiques tangibles.

MurmanskHarbour-800

Le port de Mourmansk, situé en mer de Kola au nord du Cercle polaire, libre de glace toute l’année est le port d’attache occidental des brise-glaces nucléaires russes comme le Rossiya (navire rouge sur la photo) – photo Martin Lie


Cette fois, Chilingarov veut mettre tous les atouts scientifiques de son coté. Cette prospection devrait nourrir le nouvel atlas de l’Arctique qu’est en train de constituer la société géographique russe afin de sécuriser les routes maritimes de la région. Pendant ce temps, le premier ministre russe Vladimir Poutine a tenté de rassurer ses voisins, le 23 septembre à Moscou, en déclarant l’Arctique « zone de paix et de coopération ». Un premier effort dans ce sens avait été fait huit jours plus tôt avec la signature d’un accord établissant la frontière maritime entre la Russie et la Norvège, après 40 de disputes.

Sylvie Rouat

Quelques repères sur l’Arctique russe :
• 2 % de la population
• 14 % du PIB de la Russie et 25 pour cent des exportations du pays
• 80% du gaz naturel russe, 90% du nickel et du cobalt et 60% du cuivre
source : ministère russe du développement régional


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