Claude Lorius

LoriusA500
flag france

Glaciologue • France

Les glaces polaires m’ont apporté la preuve que nous sommes la cause du réchauffement global

Claude Lorius est un pionnier des forages glaciaires en Antarctique. Il a participé à 22 expéditions polaires françaises et internationales. Il est l’un des découvreurs de la méthode de reconstruction des paléoclimats à partir de l’air emprisonné dans les vieilles glaces. Médaille d’or du CNRS, membre d’honneur de l’ONG le Cercle Polaire, il est le premier Français à recevoir en 2008 le prestigieux prix Blue Planet.

Tout commence pour Claude Lorius en 1955. Diplômé d’études supérieures de physique, il répond à une petite annonce : « Recherche jeunes étudiants pour participer aux campagnes organisées pour l’Année Géophysique Internationale ». Voilà comment débute la carrière du glaciologue pour une science qui vient de faire son apparition dans les années 50, la glaciologie. En 40 ans de carrière, il partira 22 fois en expéditions, totalisant 6 ans de campagnes sur le terrain! S’il part au Groenland cet été, sa « terre » de prédilection reste l’Antarctique.

Parmi ses plus célèbres expéditions :

• 1957 : Claude Lorius hiverne à la station Charcot (Antarctique). Il y restera un an dans l’isolement avec deux autres compagnons.
• 1959 : il participe à un raid d’exploration mené par les Américains. Pendant près de 100 jours, il parcourt près de 1400 km dans un voyage qui s’achève par la découverte d’une chaîne de montagne.
Au cours de différentes campagnes les glaciologues relèvent les températures, l’épaisseur de la glace et son altitude et collectent des échantillons dans ces espaces encore inconnus. Les résultats conduisent à une première découverte : la mesure des atomes qui constituent la glace est un indicateur de la température. Il devient ainsi possible d’aborder la reconstruction du climat passé à partir des forages en profondeur dans la glace.
• 1965 : Claude Lorius est chef de l’expédition en Terre Adélie.
Les glaçons d’un forage côtier fondant dans un verre de whisky donnent l’idée d’analyser les bulles d’air emprisonnées dans la glace pour obtenir la composition de l’atmosphère du passé. Il faudra des années pour justifier cette intuition.
• 1974-76 : Après bien des incidents lors des opérations, le carottage effectué au Dôme C, avec le support des Etats-Unis dans le cadre du Programme international de glaciologie antarctique, atteint 900 mètres de profondeur. 40.000 ans d’archives décrivent le dernier âge glaciaire et le réchauffement qui conduit au climat chaud de l’interglaciaire que le Terre connaît depuis 10.000 ans.
• 1984 : c’est l’expédition mythique à Vostok, le pôle de froid de la Terre où l’on a mesuré jusqu’à – 89°C. Mythique pour deux raisons :
– la première, pour la collaboration française, américaine et soviétique en période de guerre froide. En effet, même si l’Antarctique est reconnu continent international pour les scientifiques, la mise en commun des moyens logistiques, dont certains proviennent des militaires, était une première pour la réalisation des campagnes ;
– la seconde, pour le forage d’une profondeur de 2200 mètres qui va permettre de reconstruire le climat terrestre et la composition de l’atmosphère sur une période de 150 000 ans. De cela découle une affirmation révolutionnaire : à travers le taux de CO2 prisonnier dans les glaces, Claude Lorius déduit que « la planète devrait sensiblement se réchauffer au cours du XXIe siècle, au risque d’affecter les ressources en eau, l’agriculture, la santé, la biodiversité et, d’une façon générale, les conditions de vie des humains… » Si ces propos et la reconnaissance du réchauffement climatique sont couramment admis aujourd’hui, à cette époque, c’était une véritable avancée.
•Avec les années 1990 se mettent en place des institutions comme l’Institut Français pour la Recherche et la Technologie Polaires dont Claude Lorius sera le premier président. En même temps que se poursuivent les forages à la station Vostok, il lancera également le projet EPICA mené par 10 pays européens à la station Concordia (Dôme C), site exploré par l’équipe de Claude Lorius 20 ans auparavant, où l’on vient d’obtenir 800.000 ans d’archives sur l’évolution de notre climat.

Au cours de toute sa carrière, Claude Lorius a été attiré par les hautes latitudes, le désert des glaces, royaume des pétrels des neiges et des manchots empereurs. L’étude des carottes de glace l’a mené à prendre conscience des risques que le réchauffement climatique fait courir à l’humanité. Jusqu’ici, malgré l’expérience faite dans le domaine de l’ozone où le signal des scientifiques a été suivi de mesures concrètes, les impacts du réchauffement climatique n’ont suscité que des déclarations d’intention. Nous devons œuvrer pour que les comportements des hommes et des sociétés évoluent et que soient développées de nouvelles technologies; ce qui d’ailleurs est plus facile à dire qu’à faire. De ses recherches aux Pôles Claude Lorius et bien d’autres estiment que nous sommes entrés dans une nouvelle ère de la planète, l »’anthropocène ». où les humains prennent le contrôle de l’environnement. La sauvegarde de cet environnement est un défi majeur et urgent lancé à la communauté internationale. Campagnes en Antarctique, forages, analyses des carottes et interprétations n’ont été possibles qu’avec la participation de nombreux chercheurs et techniciens. Parmi eux, certains m’ont accompagné tout au long de ce cheminement : Jean Jouzel, Jean-Robert Petit et Dominique Raynaud.

Repères biographiques

1932 – Né à Besançon, France
1955 – Chercheur au Comité antarctique CNRS
1957-1958 – Participation aux expéditions antarctiques de l’AGI
1961 – Chercheur CNRS
1962 – Docteur es sciences, Paris Sorbonne
1979-1983 – Directeur associé du Laboratoire de Glaciologie et de Géophysique de l’Environnement
1983-1988 – Directeur du Laboratoire de Glaciologie et de Géophysique de l’Environnement
1984-1986 – Président des Expéditions Polaires Françaises
1986-1990 – Président du Comité scientifique pour la recherche antarctique (SCAR/ICSU)
1992- 1998 – Président de l’Institut français de recherche et technologie polaires
1993-1995 – Président du projet EPICA
1987-1994 – Membre correspondant de l’Institut de France, Académie des sciences
1994 – Membre de Institut de France, Académie des sciences
1998 – Directeur de recherche émérite CNRS

Distinctions scientifiques

1989 – Prix Humbold
1989 – Médaille Belgica
1994 – Prix Italgas
1996 – Prix Tyler pour les sciences de l’environnement
1997 – Seligman Crystal (International Glaciological Society)?
2001 – Prix Balzan pour la climatologie
2002 – Médaille d’Or CNRS
2004 – Petit Larousse illustré
2006 – Médaille EGU Vladimir Ivanovich Vernadsky
2008 – Médaille SCAR
2008 – Blue Planet Prize
2009 – Commandeur de la Légion d’Honneur


© Le Cercle Polaire – Octobre 2008 – Tous droits réservés