Astrophysicien • France
L’astronomie du XXIe siècle se dirige vers les pôles ! Une raison de plus pour exiger leur préservation !
Marc Lachièze-Rey, ancien élève de l’école normale, est directeur de recherches au CNRS. IL travaille au laboratoire APC (Astroparticules et cosmologie) en cosmologie et en physique fondamentale. Amateur de ski, de montagne et de randonnée, il s’est toujours intéressé aux régions polaires. Il est membre du cercle polaire.
Citadin, j’ai toujours tenté de m’échapper vers les grands espaces : déserts, mer, grandes étendues de neige et de glace… Bien avant d’avoir imaginé les menaces pesant sur elles, j’accordais une grande importance et une grande valeur à leur existence. J’ai appris depuis des motivations plus rationnelles et plus fondamentales pour leur préservation. L’une d’elles se rattache à ma profession d’astronome.
L’observation du ciel exige des sites privilégiés : loin de la pollution, des poussières et des lumières parasites ; de la vapeur d’eau, des nuages et du brouillard qui absorbent les rayonnements ; des vents forts ou instables dont la turbulence dégrade les images… Toutes ces qualités sont depuis longtemps reconnues aux régions polaires. En supplément, la nuit et le jour polaires offrent la possibilité de très longues poses.
Le Dôme C situé à plus de mille kilomètres à l’intérieur du plateau Antarctique, bénéficie d’un climat stable, très froid et très sec, de vents et de précipitations faibles : c’est un des meilleurs sites terrestres, de qualité comparable à celle des observations spatiales pour plusieurs domaines de l’astronomie. Malgré les difficiles conditions d’accès, celle-ci a commencé à s’y développer depuis quelques années, en particulier à la station franco-italienne CONCORDIA.
Une phase exploratoire étudie la validité du site, particulièrement prometteur pour certains types d’observation : résolutions angulaires élevées, observation à grand champ, poses de longue durée en continu… C’est la tâche du réseau européen ARENA (Recherche Antarctique : un Réseau Européen pour l’Astrophysique). Par exemple, l’expérience GIVRE teste la résistance de l’instrumentation dans les conditions draconiennes liées aux très basses températures.
Un projet de grand télescope infrarouge pourrait dévoiler de nouveaux aspects de la naissance et les premières phases d’évolution des étoiles et des planètes.
La cosmologie, mon domaine de recherches, est également concernée. Car le domaine des ondes radio submillimétriques, auquel l’observation polaire est particulièrement adaptée, révèle le fond diffus cosmologique, la trace la plus reculée de l’univers primordial. Après deux prix Nobel de physique décernés pour des résultats le concernant, l’épopée continue. Le projet BRAIN (B-modes Radiation measurement from Antarctica with a bolometric INterferometer) pourrait prendre une longueur d’avance sur la prochaine génération de satellites. Destiné à observer la polarisation de ce rayonnement en combinant des techniques tout à fait originales d’interférométrie et de bolométrie, il pourrait nous apporter bientôt des informations inédites sur les premiers instants de l’univers.
Avec une longue liste de projets, de toutes nationalités, l’astronomie du XXIè siècle se dirige vers les pôles ! Une raison de plus pour exiger leur préservation !
Marc Lachièze-Rey, Novembre 2010