Accord entre l’UE et le Canada sur la chasse indigène au phoque
L’adoption par le Conseil de l’Europe en septembre 2009 d’une réglementation interdisant le commerce des produits dérivés du phoque sur le marché de l’Union Européenne a gravement refroidi les relations diplomatiques entre l’Europe et le Canada, et ont probablement valu à l’UE de se voir refusé à plusieurs reprises le statut d’Observateur au Conseil de l’Arctique. Les négociations bilatérales entre l’UE et le Canada concernant les échanges commerciaux entre les deux nations ouvertes cette année ont toutefois permis de trouver un compromis.
La pomme de discorde entre le Canada et l’UE relative à l’interdiction de la commercialisation des produits dérivés de la chasse aux phoques n’en finit pas de connaître des rebondissements. Rappelons que cette règlementation entrée en vigueur le 20 août 2010, ne s’applique pas aux produits dérivés du phoque qui proviennent de la chasse de subsistance pratiquée par les Inuits et les communautés autochtones. En février 2012, le Canada et la Norvège avaient saisi l’Organisation mondiale du commerce pour contester cette règlementation qu’ils jugeaient contraire aux principes du libre-échange. L’argument de la « discrimination commerciale » promettait de porter et pourtant, le groupe spécial de l’OMC chargé de rendre la décision dans cette affaire annonça le 25 novembre 2013 que les restrictions imposées par l’UE sur les produits dérivés de la chasse aux phoques étaient justifiées d’un point de vue moral car « ils répondent aux préoccupations éthiques du public à l’égard du bien-être des phoques ». Dans le même temps, la principale organisation inuite du Canada, la Inuit Tapiriit Kanatami, avait déposé un recours auprès de la Cour européenne de justice qui a été rejeté en novembre 2013. ». Cet arrêt de la cour clos une longue bataille judiciaire entamée depuis plusieurs années par les chasseurs de phoques du Canada, du Groenland et de Norvège auprès des tribunaux de l’UE. L’embargo européen a eu des effets sensibles sur la chasse commerciale aux phoques : 40 000 individus tués en 2011 contre 354 000 en 2006, et un prix de la fourrure de phoque qui a chuté de 90 euros à 9 euros. La règlementation de l’UE a cassé le marché international, se plaint l’avocate Inuite Aaju Peter qui estime que la décision de l’OMC est « immorale et inhumaine ». Terry Audla, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, qualifie l’approche européenne d’« orwellienne ».
Inuit pratiquant la chasse à l’Utok sur la banquise côtière au Nunavut (Canada) – © Stanislas Pottier / Le Cercle Polaire
Dans le cadre des négociations engagées cette année entre l’Union européenne et le Canada pour un Accord économique et commercial global entre les deux nations, accord signé début octobre 2014, les deux parties ont trouvé un compromis pour garantir aux communautés autochtones canadiennes de commercialiser les produits de leur chasse sur le marché européen. Dans une déclaration commune, publiée par le ministère des Affaires étrangères du Commerce et du Développement du Canada, les deux parties s’engagent à :
- veiller à ce que rien n’empêche la participation de personnes et d’organisations non autochtones canadiennes au traitement, à la fabrication et à la mise en marché des produits du phoque provenant des communautés autochtones canadiennes ;
- étudier les possibilités d’appuyer les communautés autochtones et leur mode de vie traditionnel par un renforcement des capacités et la mise en commun de pratiques exemplaires ;
- étudier comment les communautés autochtones pourraient profiter des nouvelles occasions créées par l’Accord économique et commercial global Canada-Union européenne pour exploiter leur potentiel économique, social et environnemental ;
- veiller à ce que l’importation sur le marché de l’Union européenne des produits du phoque provenant des communautés autochtones ne soit pas limitée en raison du type ou de l’utilisation prévue de ces produits.
La déclaration ajoute que :
Un groupe d’experts travaillera de concert avec les intervenants pour établir les arrangements administratifs nécessaires qui permettront aux produits du phoque provenant des communautés autochtones canadiennes d’accéder au marché de l’UE en vertu de l’exemption autochtone.
Du point de vue de l’Europe, la non discrimination entre les produits du phoque provenant de captures réalisées par les communautés autochtones ou non constituait une barrière à toute acceptation de produits canadiens dont l’origine était incontrôlable. Le gouvernement canadien semble donc avoir accepté le principe de l’exemption européenne pour les peuples autochtones et si l’accord accepte que les produits issus de la chasse au phoque autochtone puissent être manufacturés et mis sur le marché européen par des personnes non-indigènes, ceux issus de la chasse non-indigène sont exclus de l’accord et ne pourront être introduits sur le marché européen, conformément à la loi européenne votées en 2009.
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