Ghislain Bardout

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Explorateur sous-marin • France

Enrayer la dégradation de l’Arctique est un formidable défi que l’humanité doit relever


Ingénieur énergéticien passionné par la mer et la montagne, caméraman sous-marin, il a initié et dirige le projet “Under The Pole”, une série d’expéditions dédiées à l’exploration sous-marine des régions polaires et sur lesquelles une place importante est donnée à l’image, ainsi qu’à l’étude du milieu et de l’homme. Sa première aventure, “Deepsea Under The Pole” a rapporté au printemps 2010 des images exceptionnelles et inédites de l’univers sous-marin de la banquise de l’océan Arctique


Lorsque j’ai débuté la plongée sous-marine, je m’interrogeais déjà sur la face cachée de la banquise : à quoi ressemblait-elle et que pouvait-elle renfermer ? Ce n’est que 12 ans plus tard, que mon parcours prendra le chemin du grand Nord. Alors que je travaillais comme logisticien et responsable technique de Jean-Louis Etienne, j’ai plongé en 2007 pour la première fois à proximité du pôle Nord Géographique et découvert un monde de glace d’une exceptionnelle beauté. J’ai pris aussi pleinement conscience de sa fragilité et de son caractère éphémère : la banquise qui se forme en hiver et qui subsiste l’été est mince et sa capacité à supporter les aléas climatiques est de plus en plus compromise.
Une année plus tard, je lançais une expédition visant à explorer l’univers sous-marin de la banquise et à en ramener un témoignage en image le plus représentatif possible.
Le 26 mars 2010, je me faisais déposer sur la banquise avec 7 équipiers et mon chien à 89°19’N. Pendant 45 jours, nous avons progressé à ski en tirant chacun un traineau et plongé 51 fois sous la voûte polaire. En arpentant la banquise, j’ai découvert un monde aux reliefs variés, tantôt plaine glacée, tantôt montagnes, labyrinthe ou chaos. A chaque immersion, nous pénétrions un univers de rêve qui contrastait fortement avec la surface. Au dessus, le blanc et le gris inondent le paysage, en dessous c’est le bleu qui domine dans toutes ses nuances, parfois teinté de vert ou de jaune. A la sortie de la nuit polaire, la visibilité dans l’eau est exceptionnelle et lorsque les rayons du soleil percent à travers la couche de neige et de glace, on peut distinguer l’architecture impressionnante de la banquise à plusieurs centaines de mètres. De toute part, la glace est recouverte de cristaux de formes et de tailles très variées, qui abritent la vie. Plus tard, avec l’allongement des jours, des algues se développent, la banquise léchée par l’océan se fait rondeur, elle fond et se délite jusqu’au retour du froid à l’automne.
Le 7 avril, suite à des vents violents et une forte hausse de température, la banquise déjà trop fine éclatait à perte de vue. Nous nous retrouvions ainsi isolés sur des morceaux de plaques ne dépassant pas quelques dizaines de mètres et séparés les uns des autres par des voies d’eau : un phénomène anormal, une manifestation palpable de la fonte de la banquise.
Cette disparition est une conséquence du déséquilibre abyssal entre la surexploitation humaine de la planète et ce qu’elle peut nous offrir durablement. Enrayer la dégradation de l’Arctique est un formidable défi que l’humanité doit relever. Il peut y parvenir par la concertation internationale visant à l’instauration d’un environnement favorable au développement durable dans ces régions. Ce serait une démonstration de sa capacité à révolutionner son mode de fonctionnement archaïque et à se projeter avec modernité dans un avenir basé sur un développement durable.

Ghislain Bardout Septembre 2011

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