ancien Président de la République • France
J’espère que les puissances riveraines de l’Arctique sauront ouvrir la voie à une alliance internationale pour le développement durable dans cette région
Jacques Chirac est une figure marquante de la vie politique française. Il a été cinq fois ministre, deux fois Premier ministre (1974-1976 et 1986-1988) et Président de la République de 1995 à 2007. En matière d’écologie, l’ancien Président s’est notamment illustré par l’initiative de l’Appel de Paris (février 2007) appelant à la création de l’Organisation des Nations Unies pour l’Environnement. M. Chirac est également à l’origine de la création du Musée du Quai Branly à Paris.
Quand j’ai découvert l’existence de l’Appel international des Pôles, auquel mon ami ancien Premier ministre, Michel Rocard avait pris part, j’ai pensé qu’il y avait là une affaire sérieuse. Je songeais aussitôt à la défense des droits des Premières nations que j’ai longtemps soutenue dans les enceintes internationales.
Alerté, à l’origine, par mon ami et ethnologue Jean Malaurie, j’ai suivi avec un grand intérêt, même avec une certaine passion, le destin des peuples qui habitent le grand Nord circumpolaire. Ma première incursion dans l’Arctique remonte à 1997, à l’occasion d’une visite à Saint-Pétersbourg, où j’avais rencontré des enseignants de l’Académie polaire qui forment des jeunes autochtones de l’Arctique russe. Deux ans plus tard, je me suis rendu dans le grand Nord canadien sur l’invitation de mon ami, le Premier ministre Jean Chrétien. J’ai eu l’honneur d’être le premier chef d’Etat étranger à s’exprimer devant la nouvelle assemblée du Nunavut. La naissance de cette terre des Inuit a marqué une étape historique pour les Premières nations, et au-delà, pour toutes celles qui se battent pour leur identité à l’heure de la mondialisation.
La présence, parmi les signataires de l’Appel des Pôles, de grandes figures Inuit tels que Paul Okalik, Pita Aatami ou Aqqaluk Lynge, aurait suffi à me décider de rallier cette campagne internationale. Mais il y a plus.
L’Océan Arctique est le siège d’un changement environnemental majeur que les scientifiques interprètent comme un signal amplifié du réchauffement planétaire. La banquise fond chaque année un peu plus et l’on prédit l’avènement d’un océan Arctique libre de glace en été. Ceci ne sera pas sans conséquence sur les grands équilibres mondiaux. Sans verser dans un catastrophisme facile, il est temps d’ouvrir les yeux : la terre et l’humanité sont en péril, et nous en sommes tous responsables. Ces mots, je les ai prononcés pour la première fois en septembre 2002, au Sommet mondial du Développement durable à Johannesburg, et le constat n’a rien perdu de son actualité. Quand on a des responsabilités de chef d’Etat, ménager sa disponibilité pour s’ouvrir aux problèmes de l’environnement, à grande échelle et à long terme, n’est pas chose facile. C’est pourtant une nécessité. Je pense avoir contribué, à ma place, à la prise de conscience des problèmes environnementaux au niveau international. En février 2007, j’ai lancé l’Appel de Paris pour demander la création de l’Organisation des Nations Unies pour l’Environnement (ONUE).
La route vers une gouvernance écologique mondiale promet d’être longue. Mais l’idée fait son chemin et l’Arctique représente, à cet égard, une opportunité historique de coopération internationale. Promis à la navigation internationale, au tourisme et à l’exploitation économique, l’océan Arctique ne dispose pas d’un système de gouvernance capable de répondre aux nouveaux enjeux économiques ni au défi écologique. J’espère que les puissances riveraines de l’Arctique sauront ouvrir la voie à une alliance internationale pour le développement durable dans cette région.
Jacques Chirac, Octobre 2010
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