Anne Choquet

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Juriste • France

“Le Traité Antarctique est un bel exemple de coopération qui dure et qui mériterait d’être exporté”


Anne Choquet enseigne le droit à la Brest Business School. Titulaire d’un doctorat sur la protection de l’environnement en Antarctique, elle est depuis 2001 expert juridique de la délégation française aux Réunions des Parties au Traité sur l’Antarctique. Conseillère de l’ONG le Cercle Polaire pour laquelle a élaboré un projet de traité sur l’Arctique, elle est chercheur au Cedem-Amure et travaille sur la gouvernance des régions polaires.

 

L’Antarctique, « terre de science ». On imagine des chercheurs emmitouflés à proximité d’une colonie de manchots ou au chaud dans une station perdue au bout du monde. L’Antarctique est aussi un objet théorique passionnant pour le spécialiste de droit international. Alors même qu’aucune population indigène n’y vit, ce continent offre des problématiques liées à la fois à la souveraineté des États, à la sécurité, à l’environnement et à l’exploitation des ressources. L’Antarctique se distingue des autres régions du monde par sa singularité physique, biologique et humaine. Elle se distingue aussi par la politique internationale et la complexité des relations diplomatiques entre États ainsi que par ses aspects juridiques novateurs. L’Antarctique, « terre de paix ». Le traité sur l’Antarctique consacre à la fois la non-militarisation et la non-nucléarisation du continent blanc. Le fait qu’il ait été adopté en 1959, en pleine guerre froide, à la fois par les États-Unis et l’URSS est en soi exceptionnel. Mais son objet également est exceptionnel : on aurait très bien pu reconnaître dans cette partie reculée du monde, un lieu idéal loin de toute vie humaine pour le stockage des déchets nucléaires. L’Antarctique, « terre de coopération ». Tant le cadre juridique de l’Antarctique que son régime juridique en font un dispositif original au sein des relations internationales. S’il y avait un article à garder du traité sur l’Antarctique, je choisirais sans hésitation l’article 4 qui consacre ce qu’on appelle le « gel » des prétentions territoriales. Pour certains États, l’Antarctique est un espace international qui n’appartient à personne ou à tout le monde. Pour d’autres États, l’Antarctique est, au contraire, un espace qui a été partagé entre sept États. Entre l’internationalisation de l’Antarctique et la reconnaissance de l’existence de leurs prétentions territoriales, les États ont, en 1959, choisi de ne pas choisir, ils ont consacré un statu quo territorial. Les sept États qui ont émis des prétentions territoriales sur un ou des secteurs de l’Antarctique ne renoncent pas à leur souveraineté territoriale. Néanmoins, les autres États peuvent soit accepter les revendications ainsi émises soit considérer, au contraire, que l’Antarctique est un espace international. Par ailleurs, les États concernés doivent s’abstenir de tout acte ou de toute activité faisant valoir ou soutenant une revendication de souveraineté dans la zone du traité. Il y a certes un risque de conflits, mais le traité sur l’Antarctique permet à des États qui ont des conceptions opposées d’un territoire de travailler ensemble. Un bel exemple de coopération qui dure et qui mériterait d’être exporté…