Mars 2023
Claude Lorius, mémoire d’un chercheur des glaces
Une cérémonie peu ordinaire au milieu des icebergs au Groenland à bord d’un navire de la compagnie Ponant en août 2009 – © Le Cercle Polaire
Fin juillet 2009, à l’initiative du Cercle Polaire, le glaciologue Claude Lorius et le nouvellement nommé ambassadeur pour les pôles Michel Rocard avaient embarqué à bord du navire Diamant de la compagnie du Ponant pour une croisière sur la côte ouest du Groenland. Le 3 août 2009, les passagers du navire avaient assisté à la cérémonie officielle de remise du grade de Commandeur de la légion d’honneur par Michel Rocard à Claude Lorius. Le commandant du Diamant Jean-Philippe Lemaire avait pour la circonstance positionné le navire devant un gigantesque iceberg dans le fjord d’Illulissat. Claude Lorius ému aux larmes, écoutait attentivement l’ancien Premier ministre lui rappeler le fil de sa carrière dont le souvenir était pour lui opaque puis, répondait aux éloges de son aîné par une prose en forme de poème.
Voir l’album du retour de Claude Lorius en Antarctique en 2005
Créée en 2006, l’association le Cercle Polaire a joué le rôle de vitrine de la carrière et des travaux du pionnier des glaces Claude Lorius dont elle ne manquait jamais une occasion de le mettre en valeur, notamment pendant les trois festivals polaires de Bretagne qu’elle avait créée à Pléneuf-Val-André puis à Saint-Brieuc, pendant les étés 2007, 2008 et 2009.
Intervention de Claude Lorius au Festival polaire de Bretagne à Saint-Brieuc en 2009 – © Le Cercle Polaire
Intervention de Michel Rocard au Festival polaire de Bretagne à Saint-Brieuc en 2009 – © Le Cercle Polaire
Affiche du Festival polaire de Bretagne à Saint-Brieuc en 2009 – © Le Cercle Polaire
Voir l’abum du Festival Polaire de Bretagne en 2009
L’association avait par ailleurs développé des liens de complicité avec l’ancien Premier ministre Michel Rocard, alors député européen, avec lequel elle préparait un projet de résolution au Parlement européen qui a été adopté le 9 octobre 2008 (résolution « Gouvernance arctique »). Fin 2008, l’association parvenait à convaincre le président de la République Nicolas Sarkozy et le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, de créer une nouvelle mission diplomatique sur les pôles qui serait confiée à Michel Rocard avec à ses côtés, deux membres fondateurs du Cercle Polaire, Laurent Mayet et Stanislas Pottier, mis à disposition par leur ministère respectif. De Claude Lorius, Michel Rocard connaissait surtout la légende du whisky on the rocks selon lequel le chercheur aurait eu l’idée de la mémoire du climat dans les glaces, en buvant un verre de son breuvage favori, agrémenté de glaçons issus du carottage de la calotte glaciaire antarctique. Après la « baignoire d’Archimède », la « pomme de Newton » et le « serpent de Kekulé » .. la liste des légendes de science s’est enrichi d’une nouvelle historiette : le « whisky de Lorius », occultant au passage les contributions des autres chercheurs qui ont joué un rôle majeur dans la découverte du climat dans les glaces polaires : Jean-Robert Petit, Robert Delmas ou Dominique Raynaud.
Fin juillet 2009, à l’initiative du Cercle Polaire, le glaciologue Claude Lorius et le nouvellement nommé ambassadeur pour les pôles Michel Rocard avaient embarqué à bord du navire Diamant de la compagnie du Ponant pour une croisière sur la côte ouest du Groenland. Le 3 août 2009, les passagers du navire avaient assisté à la cérémonie officielle de remise du grade de Commandeur de la légion d’honneur par Michel Rocard à Claude Lorius. Le commandant du Diamant Jean-Philippe Lemaire avait pour la circonstance positionné le navire devant un gigantesque iceberg dans le fjord d’Illulissat. Claude Lorius ému aux larmes, écoutait attentivement l’ancien Premier ministre lui rappeler le fil de sa carrière dont le souvenir était pour lui opaque puis, répondait aux éloges de son aîné par une prose en forme de poème.
Une cérémonie peu ordinaire au milieu des icebergs au Groenland à bord d’un navire de la compagnie Ponant en août 2009 – © Le Cercle Polaire
Quelques mois plus tard, l’association le Cercle Polaire proposait à Claude Lorius de créer au sein du collectif une co-présidence d’honneur dans laquelle Michel Rocard et Claude Lorius incarneraient un binôme, le politique et le savant, partition qui répondait au modèle de diplomatie par la science (Science for Diplomacy) qui prévaut dans les enceintes internationales dédiées aux enjeux arctiques ou antarctiques (Réunion des Parties consultatives au traité sur l’Antarctique, CCAMLR, Conseil de l’Arctique, bureau arctique de l’Union européenne, etc.). Le lendemain, Claude Lorius avait signifié sa démission à l’association. Il ferait désormais affaire avec d’autres complices plus respectueux de son exigence d’exclusive et plus enclins à cultiver l’idolatrie; en l’occurrence, les réalisateurs Djamel Tahi et Luc Jacquet qui l’immortaliseront dans la figure du découvreur isolé.
Au-delà de la rancœur que Claude Lorius avait pu nourrir à propos de la nomination de Michel Rocard comme ambassadeur pour les pôles, sur proposition de l’association dont il était l’un des cofondateurs, ce n’est que rétrospectivement que le collectif le Cercle Polaire a mesuré, combien la reconnaissance et la mise en valeur par son entourage de son insigne passé était un enjeu de salut et de sauvetage d’identité, pour celui qui avait perdu la mémoire. De cette histoire brouillée, il subsiste aujourd’hui dans nos esprits un souvenir, un moment de fraternité et de convivialité : celui des soirées passées ensemble, au Groenland, autour d’un piano et d’une bouteille du légendaire breuvage, où le « polaire » Lorius en compagnie d’un autre grand amateur de whisky, Michel Rocard, et plusieurs membres du Cercle Polaire, enchainait jusqu’à pas d’heure, un impressionnant répertoire de chansons françaises appris au fil de ses 22 missions en Antarctique.
Le Cercle Polaire, 27 mars 2023