Isabelle Autissier
Sailor • France
“From the smallest of insects to the most splendid whales the poles’ diversity is of great significance to all of us”
Isabelle Autissier became the first woman to sail around the world solo in the 1991 edition of the BOC Challenge. An agricultural engineer by training, she has sailed all the world’s oceans. In 2005, she launched and skippered an Antarctic expedition under the name “Salut au Grand Sud”, accompanied by the writer Erik Orsenna, following the paths of contemporary and historic adventurers.
C’est en faisant le tour du monde à la voile que j’ai appris à le regarder. Particulièrement dans les mers du sud. Pour y naviguer en sécurité, il faut les comprendre et les respecter. On ne se bat pas contre les mers, mais avec elles. Je les ai admirées, elles me sont devenues familières ; à présent elles font partie de ma vie et je ne peux pas concevoir de rester longtemps sans voir la masse blanche d’un iceberg glisser somptueusement sur l’eau. A force de fréquenter les glaces polaires, on comprend que leur force, qui paraît immuable, cache finalement une faiblesse consubstantielle. Elles sont destinées à mourir, à se détacher de l’Antarctique et à fondre. Le problème est que l’homme a détraqué la machine qui le fait vivre. Des pans entiers des « ice shelves », les plateformes flottantes de glace de terre, s’effondrent, et même là-bas les glaciers reculent. C’est déjà visible à l’oeil nu, d’une année sur l’autre. . terme, la machine thermique terrestre sera fragilisée, et nous aussi. La fonte de la seule partie ouest de l’Antarctique ferait monter de 6 mètres le niveau des mers. Dans le pire des scénarios, l’Antarctique tout entier – qui représente 90 % des réserves d’eau douce mondiales – ferait, par sa fonte, grimper la mer de 60 mètres ! Plus préoccupant encore, les écosystèmes sont globalement menacés. L’équilibre des espèces a été grandement mis à mal à l’époque baleinière et peine à se reconstruire. Déjà, de nouveaux dangers se profilent : les albatros et les orques sont prisonniers des lignes et des filets, les ours meurent de faim à cause du réchauffement climatique. La vie aux pôles est fragile, le froid ralentit les phénomènes biologiques. Certes, les espèces luttent et s’adaptent merveilleusement, mais leur stratégie ne tient souvent qu’à un fil. Que la température se réchauffe de quelques dixièmes de degré et les manchots ou les albatros ne trouveront plus leur pitance et mourront de faim ; que l’océan s’acidifie encore un peu, conséquence de l’effet de serre, et le krill, point de départ de la chaîne alimentaire si riche aux pôles, disparaîtra. Or ces régions polaires vont être plus atteintes que les autres par le réchauffement. La vie sur Terre est un tout. Du plus petit des insectes jusqu’aux splendides baleines, la biodiversité des pôles nous concerne au plus haut point. Nous en avons besoin. Elle est aujourd’hui à la peine, clairement menacée. Est-ce cela que nous voulons ? Certainement pas ! Alors qu’attendons nous pour réagir ? Il faut maintenant mettre la volonté en action.