David Gremillet

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Ecophysiologiste • France

Le changement du climat arctique pourrait conduire à l’éradication de 40 % des colonies de mergules nains d’ici à la fin du 21e siècle


David Grémillet a étudié la biologie marine en France, en Allemagne et en Écosse et travaille sur les oiseaux marins dans le monde entier depuis 20 ans, particulièrement au Groenland et au Svalbard. Il a aussi fait des campagnes dans les îles subantarctiques des Malouines et de Crozet et sur l’Île Ross en Antarctique. Directeur de recherches au CNRS, il dirige l’équipe Écologie Spatiale des Populations du CEFE-CNRS à Montpellier. Il étudie les adaptations comportementales et physiologiques des oiseaux marins aux conditions climatiques extrêmes et leurs capacités d’ajustement au changement global en utilisant des enregistreurs électroniques miniaturisés et des modèles thermodynamiques.

 

J’avais 9 ans quand j’ai décidé de devenir océanographe, mais j’étais loin alors d’imaginer que cette passion me conduirait à travailler un jour en Arctique et en Antarctique.Je suis initialement parti en expédition au Groenland pour étudier la manière dont le grand cormoran, oiseau originaire des régions tropicales et disposant de piètres capacités d’isolation thermique, réussit à survivre à l’hiver arctique. Les connaissances acquises concernant l’écophysiologie des oiseaux marins m’ont ensuite conduit à m’interroger sur la manière dont ces animaux fascinants supportent les effets du changement climatique auquel ils doivent faire face. Afin de répondre à ce questions j’ai travaillé avec une équipe scientifique internationale sur les colonies de mergules nains en mer du Groenland.
Ces charmantes créatures sont moins bien connues que leurs cousins les macareux moines, bien qu’elles soient de loin l’espèce d’oiseaux marins la plus nombreuse de l’Atlantique Nord, avec une population estimée à 80 millions d’individus. Elles constituent un composant essentiel des réseaux trophiques de la région et représentent un puissant indicateur écologique des changements environnementaux de l’Arctique parce qu’elles se nourrissent de zooplancton (copépodes) dont les populations sont très sensibles au réchauffement de l’océan. Notre étude comparative portait sur différentes colonies de mergules nains réparties le long d’un gradient de température océanique entre l’est du Groenland et l’ouest du Spitzberg. Elle nous a permis de montrer que les oiseaux vivant dans les zones les plus chaudes se nourrissent de copépodes de plus petite taille et qu’ils doivent en conséquence doubler leur effort de pêche pour maintenir leur équilibre énergétique, rester en bonnes conditions physiques, survivre et se reproduire. Notre étude démontre ainsi que certains oiseaux marins de l’Arctique, tel que le mergule, ont la capacité d’assumer les conséquences du changement climatique en cours. Toutefois, nos recherches suggèrent également que les mergules nains qui se nourrissent dans les eaux chaudes de l’Atlantique Nord ont désormais atteint les limites de leurs capacités d’adaptation et que le réchauffement de l’Arctique pourrait conduire à l’éradication de 40 % des colonies de mergules nains d’ici à la fin du 21e siècle.
Nos travaux de recherche, soutenus par l’Institut Polaire Français Paul-Émile Victor (IPEV), démontrent l’importance de constituer des réseaux d’étude et de veille à long terme à travers l’Arctique afin de mieux évaluer les impacts des changements climatiques en cours sur les organismes et les écosystèmes polaires.