Journaliste • Groenland
Notre culture, fondée sur le partage et le non-gaspillage, est un exemple concret de développement durable
Henriette Rasmussen est une figure politique bien connue au Groenland. Conseillère municipale de Nuuk, elle a été deux fois ministre (1991-1995, 2003-2005) et s’est très tôt engagée dans la défense des droits des femmes et ceux des peuples indigènes. Elle a participé à la création de la Commission permanente des affaires indigènes aux Nations unies. Elle est journaliste-radio et membre d’honneur du Cercle Polaire.
Octobre 2008
Lorsque j’avais 8 ans, en 1958, ma ville natale accueillit une délégation d’Inuit du Canada. Depuis leur migration, voici plusieurs millénaires, c’était la première fois dans l’ère moderne que nous, Groenlandais, voyions et rencontrions des Inuit du Canada. Les anoraks qu’ils portaient sont devenus à la mode plus tard. De plus, nous comprenions leur dialecte. Nous apprîmes également qu’ils aimaient écouter notre radio. On a redécouvert de vieux villages dans la baie de Disco, ma région natale. Des histoires issues de tradition orale de ces villages, racontées à des esprits attentifs pour occuper les interminables nuits de solitude de l’hiver, ont traversé les quatre derniers millénaires. Nombre de ces histoires furent compilées et transcrites au milieu du xixe siècle, lorsque les Groenlandais acquirent leur premier système d’écriture. Notre culture pratiquait le développement durable avant l’heure : nous utilisions tout dans nos proies, et ne laissions que les os cassés, car même la moelle osseuse constituait un combustible pour la cuisine et le chauffage. Quand on parle de preuves archéologiques, cela veut donc dire des restes trouvés dans des pierres, des os ou du vieil ivoire.Récemment, j’écoutais un documentaire à la radio dans lequel on racontait que chez nous, un grand chasseur qui arrivait dans un village avec une prise finissait la journée avec autant de nourriture dans sa maison que ceux qui n’avaient rien attrapé ce jour-là. C’est comme ça qu’on se souvient de notre vie. Il n’y avait pas de riches, mais il n’y avait pas de gaspillage non plus. La richesse se mesurait à l’aune de la générosité de chacun, et le respect se gagnait – à l’habileté en tant que chasseur, à la capacité à manier le kayak, à la force physique ou au talent de couturière. On respectait les personnes qui savaient confectionner des vêtements ou construire les bateaux qui nous permettaient de survivre dans les terres et les mers arctiques. Et l’on respectait également les chamans, pour leur savoir, les raconteurs et les bardes – les gens qui pouvaient distraire les autres lors de nos fêtes, femmes ou hommes. Nous, les Inuit, gardons toujours un pied dans notre culture ancestrale, et l’autre dans le monde où tout va très vite. Notre langue survivra au changement climatique, mais nous sommes en passe de perdre notre droit coutumier et les connaissances qui nous permettaient de vivre dans cet environnement. Pour la communauté mondiale, une culture comme la nôtre, fondée sur le partage et le non-gaspillage, la tradition orale et la poésie, est importante pour la diversité culturelle humaine et constitue un exemple concret de mise en pratique des principes de développement durable.
Elle a écrit de nombreux articles en groenlandais, danois ou anglais
• Kalaallit arfanniartarnerat pillugu, tuluttut, Booklet 6 articles about whaling in Greenland, 1986
• UNESCO: First World Culture Report 1998, with Inger Sjørslev, Københavns Universitet, Article about Greenlandic writing system and media history
• Manual to the ILO Convention No. 169, 2000, editor
• Traditional Occupations of Indigenous Peoples, Emerging Trends, 2000 editor
• Workload of an Indigenous Samburu Woman, 1999, Video
• The Earth Charter, 2000, co-author
• Towards a Sustainable World, The Earth Charter in Action, article 2005
• Grønland I Verdenssamfundet, 2006, article: Fra forskning I Grønland til grønlandsk forskning, about scientific research in Greenland
• INUIT, ICC-p aviisia, aaqqissuisutut, blad redaktion 2006, editor
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